Travailler avec des gens de culture et de nationalité différentes n’a rien d’évident. Et le niveau de difficulté monte d’un cran quand il s’agit de les manager, alors comment faire ?
Sommaire
En entreprise, quelle est la différence entre management multiculturel et interculturel ?
En entreprise, ces termes sont le plus souvent interchangeables, on utilise les deux indifféremment. Si l’on va un peu plus loin :
- Parler de multiculturalisme, c’est plutôt parler de plusieurs groupes culturels qui coexistent en ayant peu d’interactions entre eux.
- Alors que l’interculturalisme parle de groupes dans lesquels il y a une profonde compréhension mutuelle et un respect pour toutes les cultures, et où se développent des relations fortes, un esprit d’ équipe.
Comme le mot multiculturel est plus répandu, c’est lui qu’on utilise le plus souvent, même si ce dont on parle en réalité dans un environnement professionnel, c’est d’interculturel. Dans cet article, j’utiliserai les deux indifféremment.
Le management interculturel concerne en particulier les entreprises qui se développent à l’international : intégration de collaborateurs étrangers, conduite d’un projet au sein d’une équipe multiculturelle, collaboration avec des fournisseurs ou des clients internationaux, etc. Je laisse la mobilité internationale des collaborateurs qui s’expatrient de côté dans cet article – c’est un champ de management que je traiterai dans un autre article.
A cela s’ajoutent des environnements de travail variés : équipes locales qui télétravaillent, projet à cheval sur plusieurs pays, équipes qui interagissent de façon matricielle tout en étant physiquement à distance… Des problématiques qui étaient auparavant individuelles ou bilatérales sont devenues des problématiques multiculturelles et transversales.
Quels sont les avantages d’une équipe multiculturelle ?
Beaucoup d’entreprises françaises s’internationalisent pour conquérir de nouveaux marchés. Cette expansion nécessite pour les managers d’encadrer des personnes avec un vision du monde et de leur identité professionnelle très différentes de celles adoptées dans la culture française, et plus largement dans la culture occidentale.
Comme pour une équipe intergénérationnelle (=diversité d’âges), la diversité culturelle accroît souvent la complexité du rôle du manager et du travail en équipe : difficultés de communication au sein de l’équipe, difficultés de collaboration, difficultés d’adaptation, conflits interrelationnels, etc. Alors les équipes de culture « hétérogène » peuvent-elles vraiment être porteuses d’une nouvelle croissance ? Oui, quand on sait comment les manager !
Voici quelques avantages de la multiculturalité :
- Un vivier de talents beaucoup plus large que s’il était juste franco-français
- Une ouverture d’esprit et une capacité à s’adapter plus grande que dans les équipes « homogènes ». Pourquoi ? Parce que cela vous force à avoir une vision élargie de votre métier et de son environnement concurrentiel
- Une créativité démultipliée pour résoudre les problèmes, grâce à d’autres façons de penser et de faire qui peuvent ouvrir de nouvelles perspectives
- Une meilleure adaptation aux contextes locaux, utile entre autres aux équipes commerciales et marketing : nom de marque, produit, communication, valeurs promues prennent mieux en compte la culture du pays
Quelles sont les clés pour devenir un meilleur manager interculturel ?
Pas de modèle universel et idéal de management
La différence culturelle peut être difficile à gérer car les comportements, normes et valeurs d’une autre culture nous sont souvent inconnus. Nous ne savons pas comment les interpréter. Mais ignorer la différence culturelle, c’est prendre un gros risque, parce qu’elle se niche dans chacune de nos interactions professionnelles :
- Dans votre communication, qui peut être explicite ou implicite
- Dans votre façon d’équilibrer votre vie perso/pro
- Dans votre façon d’accorder votre confiance
- Dans votre rapport au temps
- Dans votre rapport à la hiérarchie / à l’autorité / à la loyauté
- Dans votre rapport au groupe vs. l’individu
Prenons un exemple concret : une promotion n’est pas perçue de la même manière partout. Si vous êtes un manager Indien, vous n’aurez probablement pas envie d’accepter une promotion « fonctionnelle » à un poste plus sénior sans équipe à encadrer, même avec une bonne augmentation de salaire. Seule une promotion « hiérarchique », avec une plus grosse équipe à encadrer, aura valeur de promotion à vos yeux.
Confiance, temps, hiérarchie… Ces notions désignent donc des réalités très différentes selon les cultures. Sans oublier qu’au-delà de la culture, chacun a sa propre histoire. Il n’y a pas de modèle universel de management qui serait partout adaptable et acceptable. Pour éviter le risque de créer une résistance culturelle, la pierre angulaire du management interculturel, c’est l’individualisation du leadership en fonction du profil de chacun dans l’équipe.
L’étonnement renouvelé
L’interculturalité, c’est l’étonnement volontaire devant un comportement, des pratiques différentes des nôtres. Elle oblige à s’étonner et à questionner avant d’agir. Les managers doivent poser un regard quasi sociologique, anthropologique, sur les personnes de culture différente.
Conséquence : en tant que manager, cela nécessite de poser un cadre dans lequel vous acceptez de recevoir les étonnements des personnes qui n’ont pas la même culture / nationalité. Cela passe par :
- Connaître votre propre cadre de référence et comprendre celui de vos interlocuteurs, et ne pas hésiter à poser des questions du type « Qu’est-ce qui vous surprend dans le mode de fonctionnement de notre équipe ? »
- Identifier les effets des enjeux interculturels (stéréotypes, biais, malentendus…) sur votre mode de management pour adapter votre style de communication
- Savoir prendre encore plus de recul dans des situations à forts enjeux internationaux
L’expression de la différence
Les différences interculturelles permettent de mieux comprendre toute la diversité des clients. Mais encore faut-il permettre à cette diversité de s’exprimer librement, de s’épanouir ! Plutôt que d’essayer d’effacer la différence culturelle dans des équipes multiculturelles, et de faire rentrer tout le monde dans le « moule » de votre culture, exploitez-là. Cela passe par la reconnaissance des compétences spécifiques de chacun, et par un mode de relation personnalisé.
Quels sont les pièges à éviter en management multiculturel ?
1. Sous-estimer le défi d’être un manager interculturel
Votre style de management découle de votre personnalité et d’habitudes prises tout au long de votre parcours professionnel, ce qui les rend difficiles à changer. De plus, ce n’est pas parce que vous avez réussi à bien manager un Brésilien hier que vous saurez bien manager un Japonais demain. Vous devrez probablement désapprendre un grand nombre des « techniques » et astuces qui avaient marchés pour en développer de nouvelles.
2. Se limiter à une seule perspective à la fois
Si vous managez une équipe internationale composée d’Anglais et d’Américains, il ne suffit pas de savoir comment votre propre culture perçoit chacune des deux autres. Vous devez aussi comprendre comment les Anglais perçoivent les Américains, et inversement. Et enfin revenir à votre culture, qui les perçoit peut-être encore différemment. Sans même parler de comment votre culture d’ entreprise peut influencer votre degré d’ acceptation. Jouer avec de multiples perspectives vous aidera à générer une meilleure cohésion d’ équipe.
3. Ne pas tirer parti de ce qu’apporte chaque culture
Si vous identifiez clairement comment se comportent les personnes d’origines diverses dans votre équipe, vous pouvez faire de ces différences culturelles un atout à utiliser en fonction des tâches à effectuer. Selon les moments, vous pourrez avoir besoin d’experts pour challenger vos idées et trouver la meilleure solution, ou alors vous aurez besoin d’une grande réactivité et de processus rationalisés pour répondre à temps à une commande. Dans ce contexte, il serait par exemple préférable de ne pas demander à des Chinois de critiquer vos idées, alors qu’ils pourraient être beaucoup plus à l’aise et efficaces pour rationaliser des process.
A retenir donc : pour réussir en tant que manager d’ équipe interculturel, vous aurez besoin de développer votre capacité à naviguer dans un large spectre de modes de pensée, en évitant de vous sentir offensés d’une différence culturelle. Et souvenez vous : on est toujours l’étranger de quelqu’un. Vous-mêmes êtes donc un étranger aux yeux des autres !