Evaluer le ROI du coaching en entreprise : une fausse bonne idée ?

Avec 23,700,000 résultats de recherche sur Google, le retour sur investissement (ROI) du coaching en entreprise intéresse beaucoup de monde. Avec Jean-Michel Janoueix, ancien dirigeant & executive coach, nous avons exploré la littérature sur le sujet : quelles études ont été publiées sur le ROI du coaching ? que disent-elles ? quels arguments proposent-elles pour convaincre les entreprises de l’utilité d’une démarche de coaching ? quels KPIs peuvent rassurer les entreprises qu’elles font un investissement rentable ?

Nous avons dû nous résoudre à constater que, jusqu’à présent, le ROI du coaching n’a pas été mesuré de manière efficace. Avec pour conséquence, l’idée que le coaching aurait moins de valeur qu’il n’en a réellement, simplement parce qu’on n’arrive pas à y attacher un nombre ou une valeur monétaire. Alors, est-ce qu’évaluer le ROI du coaching est une fausse bonne idée ?

Sommaire

ROI coaching - éléments de couleurs - coaching and coaching

Mesurer le ROI du coaching en entreprise : de quoi parle-t-on ?

La valeur du coaching

Interrogez vos amis et vous verrez que de plus en plus d’entreprises investissent dans le coaching de leurs cadres et de leurs dirigeants pour améliorer leur performance et les fidéliser. Elles y découvrent alors que le coaching peut clairement conduire à un renforcement du style de leadership, des compétences managériales et à une meilleure efficacité des équipes.

Passée cette première question, viendra sans doute très vite une autre interrogation, classique dès lors qu’il est question d’investir du temps et de l’argent… Est-ce que cela en vaut la peine ? Quelle est la valeur du coaching professionnel et comment la mesurer ? Ici aussi se pose la question fatidique du retour sur investissement (ROI) du coaching en entreprise ! Ce retour sur investissement, dès lors qu’on serait parvenu à le calculer, serait d’ailleurs un argument de vente bien utile aux coachs.

Mais le retour sur investissement du coaching n’est pas mesuré de manière efficace. Les entreprises sont habituées à mesurer le rendement ou la performance d’investissements très concrets dans des actifs matériels (par exemple, des machines) ou parfois immatériels (par exemple des logiciels ou des fonds de marques). Elles arrivent à mesurer concrètement combien ces investissements “rapportent” en productivité. Un dispositif de coaching en entreprise s’y prête moins : plusieurs facteurs expliquent la difficulté à établir un lien entre les apprentissages et les bénéfices tirés d’une expérience de coaching… et les données comptables et financières de l’entreprise. D’où la question : est-ce qu’évaluer le ROI du coaching est une fausse bonne idée ?

Identifier le ROI du coaching : est-ce possible ?

Des études qui datent

La littérature sur le sujet est ancienne, les études datent et l’écrasante majorité est en langue anglaise, de “The MetrixGlobal Study” d’Anderson qui date de 2001 à l’ICF Global Coaching Client Study de PWC qui date de 2009. Le coaching est effectivement plus développé dans les pays anglo-saxons et la religion du ROI y est aussi plus présente ! De nombreux cabinets évoquent aussi des chiffres « maison », mais la méthodologie de leurs calculs n’est pas vraiment explicitée.

Sans nouvelles connaissances, pas facile, donc, de se faire une opinion éclairée du ROI du coaching en entreprise…

La prime aux chiffres

Parler de ROI, c’est le plus souvent parler de chiffres et de résultats tangibles. C’est, par exemple, vouloir quantifier la valeur apportée et l’impact d’un coaching sur des critères comme le chiffre d’ affaires généré, le niveau d’engagement et de fidélisation des collaborateurs ou l’augmentation de l’indice de satisfaction des clients, etc. Partant de là, certaines études imaginent pouvoir déduire un retour sur investissement. Prenons l’exemple de l’augmentation de la fidélisation des collaborateurs. On trouvera ainsi dans la littérature des calculs qui relient les économies réalisées par l’entreprise grâce à la baisse du taux de turnover des collaborateurs et un coefficient de « contribution du coaching » : 2 000 000€ économisés sur 2 ans x 45 % pour la contribution du coaching aux résultats = 900 000€ valeur ajoutée quantifiée du coaching. Ce type de logique, qui veut résolument associer des euros ou des dollars à une prestation de coaching, ne nous a pas du tout convaincus, et nous expliquerons pourquoi dans la section suivante.

Sans parler du fait que beaucoup de coachés proposent d’eux-mêmes comme indicateurs pour mesurer les résultats d’une démarche de coaching « d’avoir envie de se lever le matin pour aller au travail » ou « d’oser prendre des risques ». On est loin des traditionnels KPIs tangibles et mesurables !

Business coaching ou business & coaching ?

Les Anglo-Saxons ont une approche plus transactionnelle, avec cette manière de penser où chaque problème a sa solution. Elle répond d’ailleurs davantage aux besoins du ‘business coaching’, qui est destiné aux entrepreneurs qui souhaitent développer l’activité commerciale de leur entreprise.

Evaluer le ROI d’un ‘coaching professionnel’ a moins de sens, parce qu’il porte sur des questions de développement de carrière, où les cadres et cadres dirigeants travaillent sur leurs propres objectifs professionnels, sur leur posture managériale, etc. (Attention à ne pas confondre ‘business coaching’ et ‘coaching de dirigeants’, qui visent les mêmes personnes : l’un vise le développement de l’entreprise, l’autre le développement de la personne.) Alors comment démontrer l’impact positif du coaching sur la performance quotidienne d’une personne alors que les aspects relationnels y sont aussi, voire plus, importants que la résolution de problèmes ‘business’ ?

 

ROI coaching - poignée de main - coaching and coaching

Evaluer le ROI du coaching en entreprise : est-ce souhaitable ?

Vous l’aurez compris, la littérature sur le sujet considère que le retour sur investissement le plus solide serait celui qui établirait une corrélation directe entre les performances de l’entreprise et le coaching. Par exemple, en suivant (la nette amélioration) des chiffres de vente d’une équipe dont le manager aurait bénéficié d’un coaching individuel, ou en suivant le taux de satisfaction de la clientèle d’une équipe de SAV qui aurait bénéficié d’un coaching d’ équipe. Oui, mais…

Le coaching en entreprise, c’est d’abord et avant tout une demande

Avant de définir ce qu’un coaching peut générer comme bénéfices matériels ou immatériels, tangibles ou intangibles, la question principale est de clarifier la demande en termes de besoins et d’ambitions, à savoir ce que la personne coachée souhaite réaliser avec l’accompagnement du coach. Le ROI n’est que la conséquence des objectifs fixés au début du coaching. Or, ces objectifs, cette demande, peuvent être plus tactiques, comme par exemple être convaincant lors d’entretiens d’embauche, ou plus stratégiques, comme par exemple développer une posture de leadership pour rejoindre un ComEx, développer des compétences en communication ou des compétences interpersonnelles pour faciliter le travail d’équipe. Ils peuvent être plus opérationnels ou plus personnels, avec un potentiel ROI qui varie d’autant…

Des critères d’évaluation qui dépendent de la demande, et non l’inverse

Certains recommandent d’évaluer le ROI sur une combinaison de trois critères « universels », quel que soit le type de coaching : la performance, la fidélisation et le bien-être au travail. A première vue, pourquoi pas. Ces critères ne sont ni bons ni mauvais en soi : personne ne pense que le bien-être au travail serait inutile !

Mais une fois que ces critères sont posés, il existe un risque d’orienter, voire de prédéterminer, les objectifs des futurs coachings. Qu’il s’agisse d’une prise de poste, d’une situation à fort enjeu relationnel ou d’une reconversion professionnelle, le risque serait de rester prisonnier d’une grille d’évaluation trop figée, en formulant des objectifs seulement à l’aune de ces 3 critères d’évaluation. Prenons l’exemple de la prise de poste d’un manager dans une équipe multiculturelle. L’entreprise peut être tentée d’utiliser les critères de performance, fidélisation et bien-être au travail pour évaluer cet accompagnement individuel. Alors que dans ce cas-là, il serait peut-être plus intéressant de privilégier des critères liés à l’amélioration des compétences comme la fluidité de la communication ou l’adaptabilité.

De l’implication de la personne coachée

Le ROI d’un coaching dépend aussi fortement de l’implication de la personne coachée. Deux éléments entrent en ligne de compte : d’une part, sa volonté de se mettre au travail, et d’autre part son appétence au changement (ou dit autrement, son aversion au risque). Car travailler sur ses croyances et ses comportements, sur son identité professionnelle, amène possiblement à être un peu bousculé dans sa posture et sa pratique professionnelles. Démarrer un coaching, c’est accepter prendre le risque de changer « quelque chose » dans sa manière de travailler, de lire une situation, d’interagir avec les autres… Le travail de coaching n’est efficace et rentable que si le coaché se prend en charge, se met en mouvement, fait les premiers pas – bref, s’implique dans son développement professionnel.

On peut alors légitimement s’interroger sur le ROI d’un coaching qui ne serait pas sollicité au bon moment. Il est évident qu’un coaching « de la dernière chance » sollicité par un service de Ressources Humaines avant d’enclencher une procédure de licenciement ne peut pas être aussi efficace qu’un coaching sollicité à temps pour favoriser l’engagement des collaborateurs, en amont. Car comment être un coaché impliqué dans ce cas-là ?

De même, un certain type de culture d’ entreprise peut vouloir (im)poser de trop nombreux critères d’évaluation quantifiables au coaching, comme l’augmentation de chiffres de ventes. Le risque est alors de générer des effets négatifs de résistance, par exemple par l’augmentation du stress du coaché, liée à l’atteinte de la performance attendue.

Le coaching en entreprise, une pièce du puzzle

Reprenons l’exemple des chiffres de vente d’une équipe dont le manager a bénéficié d’un coaching. Comment isoler et quantifier les effets du coaching par rapport aux autres évènements survenus au cours du coaching ? Il est difficile d’isoler les effets des actions de coaching au sein du système-entreprise, où de nombreuses décisions stratégiques sont prises par les acteurs du système. Reconnaissons ce qui appartient à César : le coaching n’est jamais qu’une pièce du puzzle.

Le coaching en entreprise et l’effet papillon

On peut aussi se demander en quoi le fait qu’un manager décide au cours d’un coaching d’écouter ses équipes plutôt que d’imposer ses décisions changerait la décision d’achat des clients de l’entreprise ? Pour autant, l’exemple que ce manager va donner au quotidien, son attitude, son comportement avec les équipes, peut profondément modifier l’ensemble des relations au sein de l’entreprise. L’approche systémique montre comment tous les collaborateurs sont interconnectés et reliés par les valeurs communes et la vision stratégique de l’entreprise, et comment agit l’intelligence collective. Mais de là à relier en ligne droite l’augmentation des ventes (décision d’achat des clients) au coaching… Le ROI d’un coaching ne se traduit pas toujours en monnaie sonnante et trébuchante, même s’il contribue au développement des compétences.

Qui sait mieux que le coaché ?

A la fin d’un coaching, une réunion multipartite finale est généralement organisée entre le coach, le coaché et le prescripteur – c’est en tout cas une bonne pratique vivement recommandée par l’International Coaching Federation. C’est à ce moment-là que le coaché va donner son point de vue sur les améliorations obtenues, à partir d’un retour d’expérience généralement bien plus qualitatif que quantitatif.

Car c’est d’abord et avant tout aux coachés de se prononcer sur ce que le coaching leur a apporté. Les coachs professionnels n’ont pas à se positionner sur l’apport du coaching ni à relever les compteurs de l’avancement d’un plan d’actions. Le coach est là pour aider son client à atteindre ses objectifs. Si un coach en entreprise observe qu’un coaché est plus à l’aise avec son équipe car il parle de moins en moins souvent de problèmes d’équipe au fil des séance, mais que le coaché ne dit pas qu’il se sent plus à l’aise, comment évaluer le coaching ? Ces deux réalités sont vraies en même temps. Mais c’est toujours la parole du coaché qui prime, c’est lui qui est « au travail » pendant le coaching.

Il ne s’agit donc pas de poser la question : le coach a-t-il bien fait son travail ? – comme si le coach professionnel était inclus dans l’évaluation du ROI. Mais de poser les questions suivantes : comment le coaché a cheminé, que retient-il et que met-il en action ? Et l’entreprise est présente dans cette réunion multipartite, par la voix du N+1 du coaché et/ou des RH. C’est leur responsabilité de faire un retour sur l’atteinte des objectifs tels qu’ils le perçoivent. C’est bien à ce moment-là que peut être identifiée la portée du coaching, à défaut d’un ROI tels que les Anglo-Saxons l’envisagent : par une discussion avec les différentes parties-prenantes, en abordant clairement et ouvertement les bénéfices constatés post-coaching, la mise en œuvre d’une montée en compétences et l’atteinte (ou non) des objectifs définis au démarrage du coaching.

En Conclusion

la tentation est grande de vouloir à tout prix mesurer le retour sur investissement dans un coaching d’entreprise. Cela vient d’une pratique anglo-saxonne liée au ‘business coaching’. Mais il n’est pas facile d’associer une mesure monétaire directe et précise au processus de coaching, d’autant que le coaching traite généralement d’une « matière humaine » et travaille souvent sur les relations de travail du coaché avec ses collègues, partenaires et clients – des sujets très intangibles. Alors le meilleur moyen de mesurer les effets d’un coaching en entreprise consiste peut-être à demander directement à ceux qui en ont bénéficié, et à identifier avec eux les progrès réalisés par rapport aux objectifs définis au démarrage du coaching, et les progrès inattendus, réalisés spontanément, sur des sujets connexes aux objectifs.

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